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La petite nouvelle de Rio

Ana Cazor

Sur le coup, je m’en souviens, j’encaissai le plus dignement possible : « encaisser », c’est comme cela que cela s’appelle quand le corps s’effrite et qu’on enfile le masque. Ces quelques mots balancés depuis le perron par-dessus le petit portail en fer blanc me frappèrent de plein fouet. Nous étions alors, avec ma fiancée, sur le point de quitter cette maison pour une dernière virée. Par chance Alexandra ne pouvait pas comprendre ni ne m’interrogea. La méchanceté prenait un visage, la langue de mon pays, des paroles comme des épines qui avaient glissé jusqu’à moi sur un lit de glaviots écœurants et, si certains mots pouvaient se confondre avec un souhait inavouable, ce n’était que pure coïncidence. Je n’étais pas dupe.
Bien que j’en perçus immédiatement la violence, je décidai sans hésitation de feindre le dialogue de courtoisie aimable. Forçant le trait, je fis donc, face au sourire radieux d’Alexandra, comme si tout était normal et saluai la femme du père dans le mouvement allègre qui marquait notre départ. Aujourd’hui, je jouerais cette scène avec plus de justesse s’il m’était donné la possibilité de la tourner. Pendant ce temps, Alexandra continuait de papillonner, toute à sa joie de notre départ pour notre ultime excursion dans cette ville qu’elle qualifiait à tout va de « merveilleuse ». Bref, Alexandra ne s’aperçut de rien. Oui, probable que ce jour-là nous ayons un peu trop manifesté notre joie d’un programme de vacances somme toute modeste puisqu’il consistait pour pas un sou, à s’user la ……………